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17-02-2011

El Gueddafi ébranlé

El Watan - Des affrontements entre manifestants et agents des forces de l’ordre ont fait 38 blessés à Benghazi. De jeunes Libyens ont scandé des slogans hostiles au régime. Appel à une «journée de la colère» aujourd’hui.
Le «royaume» de Mouammar El Gueddafi est loin d’être un havre de paix où ses «sujets» de citoyens lui obéissent au doigt et à l’œil. En tout cas pas à Benghazi, la deuxième ville de Libye où des centaines de personnes ont bravé l’interdit, dans la nuit de mardi à mercredi, pour crier leur colère dans la rue. C’est une première dans un pays aussi givré que la Corée du Nord. «La liberté d’expression, d’association et de réunion était toujours fortement restreinte et les autorités ne tolèrent pratiquement pas la dissidence», souligne le rapport 2010 d’Amnesty International.

Ebranlé par cet accès d’adrénaline inattendu dans sa Libye qu’il croyait pacifiée depuis 1969, le Guide perd son sang-froid et envoie ses flics «corriger» les fauteurs de troubles de Benghazi, située à 1000 km de Tripoli. Premier bilan : une quarantaine de blessés.
Entre temps, le feu prend un peu partout, d’après des sources concordantes. La faute à un jeune Libyen qui a appelé via facebook ses compatriotes à un «jeudi de la protestation» contre le régime d’El Gueddafi. De violents affrontements ont eu lieu entre les manifestants qui agitaient des drapeaux verts et les agents des forces de l’ordre. Une source hospitalière à Benghazi a confirmé à l’AFP plusieurs blessés parmi les manifestants. Sans doute pris de cours, le régime de Tripoli a enclenché la chasse aux meneurs pour étouffer la révolte, notamment dans la région frondeuse de Benghazi.

A l’heure où nous mettons sous presse, rien n’a filtré de ce pays où les journalistes étrangers sont persona non grata.
Mouamar El Gueddafi qui règne sur la Libye depuis 42 ans, craint que les révoltions tunisienne et égyptienne ne contaminent son «royaume». Après avoir perdu deux frères de combat — contre la démocratie —, Moubarak et Ben Ali, le Guide se retrouve seul dans une région qui subit un lifting démocratique à grande eau.

Doyen des dictateurs

Hier, dans une première réaction, l’Union européenne a appelé Tripoli à autoriser «l’expression libre» et à éviter «toute violence». «Nous appelons les autorités à écouter tous les gens qui participent aux protestations et ce que la société civile dit, et à permettre l’expression libre», a souligné Maja Kocijancik, porte-parole de la haute représentante de l’UE aux Affaires étrangères, Catherine Ashton. Les comités révolutionnaires, épine dorsale du régime libyen dirigé, ont prévenu hier qu’ils ne permettraient pas à des groupes «activant la nuit de piller les acquis du peuple menacer la sécurité du citoyen et la stabilité du pays». C’est à peu près la même littérature distillée par les clans Moubarak et Ben Ali pour justifier les interventions musclées, à savoir que ces manifestations sont dirigées contre les peuples et non les régimes. La presse libyenne s’est mise elle aussi au service du Guide. Le journal Quryna a qualifié les manifestants rassemblés pour réclamer la libération de l’avocat Fethi Tarbel, représentant des familles des prisonniers tués en 1996, de «saboteurs».

Jeudi de l’angoisse

Bien que l’avocat ait été libéré, les manifestants «auxquels se sont jointes des personnes munies d’armes blanches et de cocktails Molotov» ont marché jusqu’au centre-ville où «ils ont incendié et endommagé des voitures, essayé de détériorer des biens publics, bloqué la route et jeté des pierres», selon Quryna. Signe aussi que cet incident n’était qu’une étincelle : des sources concordantes rapportent, selon les agences, que des slogans hostiles au régime ont été scandés. On pouvait entendre notamment «Benghazi réveille-toi c’est le jour que tu attendais», «Le sang des martyrs n’est pas versé en vain», ou encore «Le peuple veut faire tomber la corruption». A ces appels, les pro-Gueddafi ont répondu par une contre-manifestation qui s’est terminé par un corps à corps.
Parallèlement, le régime sort son artillerie propagandiste sous forme de «marches spontanées» dans les principales villes de Libye, notamment à Benghazi, Syrte (est), Sebha (sud) et Tripoli, selon des images de la télévision d’Etat.

Un défilé en couleur à la gloire d’El Gueddafi que la chaîne d’Al-Jamahiriya a retransmis en direct. Mais ces images risquent de n’être qu’un écran de fumée. L’appel à une «journée de colère» lancé pour aujourd’hui pourrait ne pas amuser le Guide, si habitué à l’ivresse des foules qui le vénèrent de gré ou de force. Aussi, plus de 200 signataires et des organisations d’opposition libyennes basées à l’étranger ont souligné «le droit du peuple libyen d’exprimer son opinion» et appelé le colonel Kadhafi et sa famille à quitter le pouvoir.


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